Assistant informatique automatisé pour le diagnostic du rejet de greffe de rein : entretien avec les auteurs de l’étude

Assistant informatique automatisé pour le diagnostic du rejet de greffe de rein : entretien avec les auteurs de l'étude

Une étude récente en Médecine naturelleintitulé « Un système de classification histologique automatisé pour le diagnostic de précision des allogreffes rénales », a présenté les efforts d’un groupe de chercheurs qui ont développé un système automatisé capable de diagnostiquer le rejet de greffe de rein.

Une variété de facteurs disparates peuvent affecter les chances qu’une greffe soit rejetée. À l’heure actuelle, les cliniciens doivent tenir compte manuellement de ces données complexes lorsqu’ils prennent des décisions concernant les patients transplantés, ce qui peut entraîner un niveau élevé d’erreurs de diagnostic et de morbidité chez les patients.

Ce nouveau système intègre un algorithme capable de synthétiser ces données cliniques complexes en une réponse fiable pour les cliniciens occupés. Jusqu’à présent, les chercheurs ont testé le système avec plus de 4 000 patients transplantés rénaux en Europe et aux États-Unis, et ont montré que la technologie peut éviter 40 % des diagnostics erronés de rejet d’allogreffe chez l’homme.

Diagramme schématique illustrant les processus de décodage, de codage et de rectification utilisés pour construire le système d’automatisation de Banff. Au cours du processus de développement, le consortium multidisciplinaire (pathologistes, médecins transplantologues, scientifiques des données et développeurs) a travaillé en étroite collaboration et a amélioré l’application à plusieurs reprises. Les sorties de l’application sont un arbre de décision pour une meilleure visualisation du processus qui génère le diagnostic et des rapports automatisés au format PDF ou Excel. Abréviations : C4d, coloration du composant C4d du complément ; DSA, anticorps spécifique du donneur.

Linkidoc eu l’occasion de s’entretenir avec certains des auteurs de l’étude. Il s’agit d’Alexandre Loupy, auteur principal, néphrologue au Service de Transplantation Rénale de l’Hôpital Necker (APHP) et expert en science des données à l’INSERM et directeur de l’Institut de Transplantation et de Régénération d’Organes de Paris (Université Paris Cité), Valentin Goutaudier (co-premier auteur) , néphrologue et épidémiologiste, Institut de transplantation et de régénération d’organes de Paris (Université Paris Cité) et service de transplantation rénale de l’hôpital Necker, et Daniel Yoo (co-premier auteur), data scientist, Institut de transplantation et de régénération d’organes de Paris (Université Paris Cité ).

Alexandre Loupy : Le rejet est la principale cause d’échec de greffe après transplantation rénale et constitue un problème majeur de santé publique compte tenu de la pénurie mondiale actuelle d’organes.

De nombreux facteurs peuvent influer sur le rejet d’une greffe de rein : non-observance médicamenteuse, sous-immunosuppression par les médecins, incompatibilité HLA et autres incompatibilités immunologiques (groupe sanguin, autres antigènes non HLA), présence d’anticorps spécifiques au donneur (c’est à direanticorps produits par le système immunitaire du receveur qui ciblent et réagissent spécifiquement contre les antigènes présents sur les cellules de l’organe transplanté), infections pouvant activer le système immunitaire (p. ex., infections virales comme le cytomégalovirus), lésions de reperfusion, âge, antécédents médicaux les conditions, la qualité de l’organe transplanté, etc. La gestion de ces facteurs par une médication appropriée et des soins de suivi peut aider à prévenir le rejet d’une greffe de rein et augmenter la probabilité de succès à long terme de la greffe.

Un autre facteur important d’échec d’une greffe de rein est simplement le mauvais diagnostic de rejet. Le diagnostic de rejet repose sur une classification internationale, appelée classification de Banff, qui s’est considérablement complexifiée au cours des 30 dernières années en raison de l’utilisation de la médecine moderne de précision appliquée à cette maladie multifactorielle. Il est désormais nécessaire pour les médecins d’analyser et d’intégrer des données complexes et extrêmement diverses – données histologiques, immunologiques, transcriptomiques – pour poser un diagnostic correct qui guidera la prise en charge thérapeutique des patients. Cependant, si les médecins diagnostiquent mal le rejet, ils ne peuvent pas non plus choisir le meilleur traitement pour leurs patients, augmentant ainsi le risque d’échec de l’allogreffe.

Valentin Goutaudier : Le rejet de greffe peut avoir des conséquences importantes tant pour les patients que pour les prestataires de soins de santé.

  • Conséquences pour les patients :
    • Diminution de la fonction des organes : cela peut entraîner un échec de la greffe, puis la nécessité d’une dialyse ou d’une nouvelle transplantation. Complications de santé liées au traitement des épisodes de rejet (c’est à direimmunosuppresseurs à fortes doses) : infections, événements cardiovasculaires… Risque accru de mortalité. Impact émotionnel et psychologique.
  • Les fournisseurs de soins de santé:
    • Complexité du traitement : la gestion du rejet de greffe nécessite une surveillance étroite, des tests de laboratoire fréquents et des ajustements des médicaments immunosuppresseurs. Cette tâche peut être complexe et prendre beaucoup de temps.Utilisation des ressources : le traitement du rejet de greffe peut nécessiter une hospitalisation, des tests de diagnostic supplémentaires, etc. et la fatigue compassionnelle.
    • Programmes de transplantation : le rejet peut avoir un impact sur les taux de réussite des programmes de transplantation et avoir un impact sur la réputation des prestataires de soins de santé et des centres de transplantation.

Valentin Goutaudier : Depuis 30 ans, l’étalon-or pour définir le rejet est la classification internationale de Banff. Il nécessite l’intégration des données d’une biopsie de greffe de rein (c’est à dire, scores de lésions histologiques), ainsi que des données cliniques, immunologiques et transcriptomiques. Ces données et règles multimodales sont nécessaires pour fournir un diagnostic précis, prenant en compte tous les modes opératoires biologiques, les grades et les types de rejet.

La principale limite de cette approche est qu’il est désormais très difficile pour les pathologistes et les médecins d’interpréter toutes ces données complexes et de poser un diagnostic correct. La conséquence est que de nombreux diagnostics erronés de rejet sont commis en pratique courante et dans les essais cliniques, conduisant à des décisions thérapeutiques délétères pour les patients.

Alexandre Loupy : Cette complexité du diagnostic du rejet, initialement nécessaire pour mieux comprendre et définir sa nature et sa gravité, est devenue un défi quotidien pour les médecins confrontés à des situations où il peut être difficile de poser un diagnostic correct. Face au nombre croissant d’erreurs diagnostiques continuellement documentées dans la littérature scientifique, les sociétés internationales de transplantation ont appelé les chercheurs du monde entier à réagir et à trouver une solution pour simplifier le diagnostic du rejet. Notre hypothèse était qu’une automatisation de la classification pourrait résoudre ce problème. Ainsi, nous avons cherché à développer un outil informatique d’aide au diagnostic fiable, robuste, précis, largement validé et démontrant un bénéfice réel et mesurable pour les patients.

Daniel Yo : L’outil est le fruit des travaux d’un consortium international d’experts en données de rejet et de santé. Dans un premier temps, nous avons procédé à une revue systématique de la littérature scientifique pour collecter et décrypter toutes les règles diagnostiques de la classification du rejet publiées au cours des 30 dernières années. Ensuite, nous avons traduit ces règles de diagnostic en un algorithme informatique couvrant tous les scénarios de rejet possibles et créé un assistant informatique automatisé facile à utiliser disponible en ligne, qui interprète instantanément les données médicales complexes saisies par les médecins à l’aide de l’algorithme et fournit un diagnostic qui tient strictement compte de la règles du classement. En quelques clics, l’assistant informatique sort un rapport d’analyse avec le bon diagnostic et un arbre de décision expliquant le raisonnement de l’algorithme pour éviter tout effet « boîte noire ».

Daniel Yo : Cette réponse est très simple. Comme l’algorithme suit strictement les règles de diagnostic de Banff, son taux de précision pour prédire le rejet à l’aide des données disponibles est de… 100 % !

Alexandre Loupy : Notre étude est une étape importante vers le développement d’une médecine de précision accompagnée de systèmes informatiques automatisés. En fait, nous sommes les premiers, toutes spécialités médicales confondues, à démontrer qu’un assistant informatique peut aider les médecins à poser de meilleurs diagnostics. De plus, notre outil, compte tenu de sa biotechnologie intrinsèque, est fiable, robuste, précis et apporte un bénéfice réel et mesurable pour les patients.

La transplantation n’est pas la seule spécialité médicale confrontée à des données de plus en plus complexes. Je ne doute pas que les médecins d’autres spécialités – comme l’oncologie et l’immunologie, où des données diverses et complexes sont de plus en plus utilisées – se lanceront dans l’aventure de l’automatisation des classifications de maladies pour améliorer la prise en charge de leurs patients.

Étudier en Médecine naturelle: « Un système de classification histologique automatisé pour le diagnostic de précision des allogreffes rénales