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Médecine connectée : deux stratégies vont continuer à s’affronter en 2016

L’usage des technologies du numérique à des fins médicales connaît une lente ascension depuis une dizaine d’années. 2015 restera toutefois un tournant puisque se dessinent de plus en plus clairement deux approches distinctes de mise à disposition de ces technologies auprès des usagers.

 

Une approche publique

 

Sous la conjonction d’un texte de lois réglementant les actes de télémédecine et l’attente de prise en charge de tels actes par l’assurance maladie obligatoire, les pouvoirs publics ont longtemps pesé lourd sur le développement de ces activités. Inscrit parmi les axes prioritaires, le déploiement du télé-AVC est certainement la pratique de médecine à distance la plus avancée aujourd’hui en France. Elle a permis l’émergence d’une poignée d’acteurs industriels qui se sont rapidement rapprochés en consortium : Orange, Accelis, Covalia, Inovelan, SPIE Communications, Global Imaging On Line, CGTR, Carestream. Ce mouvement va se poursuivre pour attaquer le marché de la télé-imagerie (deuxième axe prioritaire défini par la DGOS) comme en témoigne la récente fusion entre Etiam et Emaging Technology.

 

Au delà de ces deux axes, force est de constater que la télémédecine peine à se déployer. L’expérimentation des actes telle que prévue à l’article 36 de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2014 est à ce propos illustrant. D’arrêtés ministériels en appels d’offres, en passant par l’élaboration d’un cahier des charges national, il a été décidé de privilégier la prise en charge des plaies chroniques et/ou complexes en dehors de l’urgence avec une rémunération Ad Hoc pour une évaluation attendue pour la fin 2017... Si, après ce processus de 3 ans, cet acte devait finalement être retenu par l’Assurance Maladie Obligatoire, il ne constituerait que le troisième depuis la publication du décret de 2010 consacré a la télémédecine.

 

Une approche privée

 

De leurs côtés, les industriels, souvent des start-up, se lancent dans des projets innovants couvrant des besoins médicaux toujours plus larges. Or, notre étude “Horizons de la médecine connectée en France” met en évidence une forte divergence entre les programmes médicaux mis en place dans l’hexagone et les spécialités médicales visées par les produits commercialisés.

 

Pour créer un modèle économique, ces sociétés s’appuient sur des financements privés. Il peut s’agir directement des usagers, comme c’est  le cas pour la société epiderm qui propose un conseil dermatologique sur photo pour 14,99 €. De leur côté, des complémentaires santé développent de plus en plus leur propres programmes de télémédecine, jusqu’à proposer, comme le fait Axa dans ses contrats collectifs, des téléconsultations.

 

Des patients de plus en plus convaincus

 

Pourtant depuis 2010, la réception de ces nouvelles technologies par le grand public a largement évoluée. D’abord perçue comme une “médecine au rabais”, la médecine connectée est devenue acceptable, pour ne pas dire souhaitable, du point de vue de ceux qui vivent dans des zones médicales fragiles. Elle séduit aussi de plus en plus une population active, férue de technologies et qui voit dans ces solutions un gain de temps : elle permet dans certains cas une réponse quasi immédiate, quand un rendez-vous chez un généraliste peut prendre quelques semaines et chez un spécialiste jusqu’à plusieurs mois. Dans ces conditions, reste à se demander si l’usager continuera encore longtemps à accepter de financer sa santé à la fois par les dispositifs de sécurité sociale, de complémentaire santé, et de plus en plus souvent de sa poche...

 

Une génération de médecins qui va voir son métier muter

 

Indubitablement, lorsqu’elle est connectée, la médecine glisse d’une approche curative à une approche préventive. Pour aller dans ce sens, il faut s’attendre, dans les années à venir, à une tarification modulée de la part des assureurs privés, notamment en fonction de l’activité physique, comme c’est déjà le cas au Royaume-Uni pour les salariés de Petroleum porteurs d’un bracelet FitBit.

 

De son côté, l’approche publique reste extrêmement prudente (pour ne pas dire conservatrice) parfois pour des raisons déontologiques, souvent pour des raisons économiques. C’est plutôt cette position que soutiennent les médecins puisque, lorsqu’ils ne pratiquent ou n’inventent pas cette médecine connectée, ils paraissent parfois le subir sans réaliser pleinement l’impact profond qu’elle pourrait avoir sur leur métier. Des entreprises comme Samsung, Google ou IBM imaginent déjà une médecine informatisée où des algorythmes seraient capables d’extraire des big datas les informations utiles pour dresser un diagnostic pertinent. Le médecin deviendrait un accompagnateur et un conseiller en matière de santé.